Le voile de la douleur by Ali

Le voile de la douleur by Ali

Auteur:Ali
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: Archipel
Publié: 2012-05-02T04:00:00+00:00


J’aimais notre nouvelle liberté, toute limitée qu’elle était, l’air pur et les longues soirées d’été que nous offrait Glasgow. Toutefois, une légère inquiétude m’a gagnée à l’approche de l’automne, lorsque j’ai remarqué les collégiennes en uniforme dans les rues. Personne n’avait encore évoqué devant nous la question de l’école. Pis, personne ne semblait avoir l’intention de le faire.

Un soir que Mena essuyait la vaisselle à mesure que je la lavais, je lui ai confié mes préoccupations. Comme elle n’en savait pas plus que moi, elle m’a suggéré : « Tu devrais poser la question à mère quand elle est détendue, comme ça elle ne te criera pas dessus. »

La vaisselle terminée, j’ai donc massé le crâne de mère, un plaisir qu’elle ne refusait jamais, elle qui se plaignait si souvent de migraines. Avec l’expérience, j’avais appris quelles zones de son cuir chevelu frotter et pétrir pour la relaxer et l’endormir. Après une dizaine de minutes de malaxage, elle somnolait.

« Maman ? ai-je demandé tout bas. On ne va pas à l’école ici ? J’ai déjà manqué plusieurs semaines, ça va être dur de rattraper le retard.

— Pourquoi tu irais ? a-t-elle répondu dans un murmure. Nous partons au Pakistan en octobre, tu n’as pas besoin d’aller à l’école. »

J’ai poursuivi le massage sans broncher, fixant son crâne d’un regard noir, incapable de trouver un exutoire à la rage que je ressentais contre elle. Lorsqu’elle a enfin sombré dans le sommeil, je suis retournée d’un pas furieux à la cuisine pour annoncer la nouvelle à Mena, qui n’a pas vraiment paru chagrinée.

« De toute façon, je n’aime pas l’école. Je m’en fiche.

— Eh bien pas moi ! ai-je répliqué en me maîtrisant pour ne pas crier. Je suis parmi les meilleurs dans toutes les matières ! Qu’est-ce que je vais fabriquer toute la journée à la maison ? »

Ma sœur m’a tourné le dos avec une moue boudeuse tandis que je continuais à bouillir de colère en silence. Elle n’était pas aussi bonne élève que moi et se fichait d’aller à l’école, mais auprès de qui d’autre aurais-je pu m’épancher et me plaindre ?

À partir de ce moment, les journées m’ont semblé interminables. Je ne saurais dire si ce sentiment s’expliquait par le coucher de soleil tardif ou l’enfermement. Je me suis créé ma propre routine. Ainsi, tous les lundis, je guettais le moment où l’occupant de l’appartement du dessus jetait ses journaux. Je me dépêchais alors d’aller les récupérer dans la poubelle afin de m’assurer de la lecture pour le restant de la semaine. À Walsall, nous devinions l’heure aux activités des gens dehors, comme le voisin d’en face, qui partait tous les jours au travail à 8 h 30 précises. À Glasgow, l’église au bout de la rue sonnait toutes les heures, provoquant la grogne de toute la maisonnée, sauf moi. J’aimais entendre ses cloches et me repérer dans le temps grâce à son horloge. Hanif était à part cela la seule à avoir l’heure à la maison, afin de savoir quand me donner mes diverses besognes.



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